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Farah Clémentine Dramani-Issifou, programmatrice à la Semaine de la Critique à Cannes

Farah Clémentine Dramani-Issifou est membre du comité de sélection des long-métrages à la Semaine de la Critique 2019. 

 

Chercheuse et curatrice, elle a fondé en 2011 le festival BeninDocs au Bénin dont l’objet est de promouvoir les cinémas documentaires d'Afrique et du monde. En 2013, elle co-créé le Festival des Nouveaux Cinémas Documentaires (Paris, Porto Novo, Lomé et Phnom Penh).  Depuis 2016, elle participe au Mois des Cultures d’Afrique, une manifestation pluridisciplinaire dédiée à l'Afrique et ses diasporas. Farah Clémentine Dramani-Issifou multiplie les occasions de faire voir du cinéma, autant de promesses de rencontres et de nouveaux rendez-vous… Cinewax l’a rencontré au Pavillon Afriques à Cannes.

Cinewax – Peux-tu nous expliquer comment fonctionne la commission de programmation des long-métrages à la Semaine de la Critique ?

Un travail de sélectionneur au sein d’un comité comme celui de la Semaine de la Critique c’est, à mon sens, avant tout un travail d’équipe. Donc cela nécessite de regarder beaucoup de films. Nous sommes 6 sélectionneurs au sein du comité long-métrage à chacun duquel a été attribué une ou plusieurs zones géographiques. Nous avons regardé à peu près entre 200 et 250 films par personne en deux mois, donc dans un laps de temps record. Toutes les semaines nous nous retrouvions pour échanger autour de ce que nous avions vu en plus des projections collectives qui étaient organisées. L’idée de ce comité de sélection c’est de se voir et de pouvoir confronter les visions, de pouvoir échanger. Ce qui fait que tous les sélectionneurs habitent en région parisienne pour faciliter justement cette proximité et ces échanges. Effectivement, au sein du comité long-métrage et du comité court-métrage, il y a des personnes qui viennent du monde entier. Cela a été un souhait et un choix j’imagine de la part du syndicat français de la critique et de Charles Tesson le délégué général de la Semaine de la Critique.

Cinewax – Pour toi, qu’est-ce qui compte le plus pour juger de la qualité d’un film ?

La particularité de la sélection de la Semaine de la Critique c’est qu’elle se consacre uniquement aux premiers et aux deuxièmes long-métrages. Donc on peut, parfois, connaître certains cinéastes qui nous envoient des films, mais dans la majeure partie du temps c’est une découverte. En tous cas, ce que l’on juge c’est l’œuvre qui va nous être présentée puisque c’est aussi l’œuvre qu’on présentera au public si elle est sélectionnée. Donc c’est essentiellement l’œuvre qui compte. Parfois, le film qui nous est présenté est achevé, d’autres fois on nous présente des ‘work in progress’. Je dirais que ce qui fait que j’aime un film et que je suis prête à le défendre c’est avant tout l’émotion qu’elle me procure. C’est à partir de là que je peux avoir envie ou non de la partager. Après bien évidemment il y a des qualités artistiques, des qualités de l’ordre de la dramaturgie qui entrent en jeu. Mais si l’œuvre me fait vibrer alors je me dis qu’elle pourra aussi faire vibrer ou en tous cas faire résonner quelque chose chez le sélectionneur avec qui je travaille d’abord, et ensuite auprès du public et de la presse. 

Cinewax - Tu es aussi actuellement doctorante en approche critique de la notion de cinéma(s) africain(s). Avec ce recul, peux-tu nous donner ta définition du cinéma en général ?

Le cinéma est bien évidemment un art. Je vais paraphraser Alain Gomis, avec qui j’avais eu un entretien il y a environ un an, et je me suis vraiment reconnue dans sa définition du cinéma parce que c’est comme ça que j’ai découvert le cinéma et surtout c’est comme ça que j’ai eu envie de le partager. Il définit le cinéma comme un territoire de rencontre de soi d’abord et des autres ensuite. Voilà, il a dit ce qu’est pour moi le cinéma. C’est ce dialogue avec soi et avec les autres que j’ai envie de partager et c’est grâce à ce dialogue que le cinéma et la programmation de film sont devenus une passion.

Cinewax – En tant que femme critique issue de la diaspora africaine, quel est ton constat sur la représentation des cinémas d’Afrique dans les festivals internationaux ?

Les choses ont évolué sur les représentations des films d’Afrique et des diasporas dans les grands ou moins grands festivals internationaux. Et on ne peut qu’être content de cette avancée. Il faut aussi prendre en considération la production c’est-à-dire qu’il y a des endroits sur le continent où il y a beaucoup de productions je pense évidemment au Nigéria, à l'Afrique du Sud, au Kenya et à l’Afrique du Nord. Les choses changent, la présence de Mati Diop et de Ladj Ly qui sont des afro-descendants est un signal extrêmement fort et positif. On espère aussi avec l’arrivée de personnes comme Claire Diao (membre du comité de programmation de la Quinzaine des réalisateurs), Djia Mambu (Jury de la Semaine de la Critique) et moi par exemple, que des regards différents pourront être proposés sur les cinémas d’Afrique mais aussi sur les cinémas du monde. Pour répondre intégralement, j’ai été amenée à créer deux festivals : le Festival des Nouveaux Cinémas Documentaires à cheval sur plusieurs continents et BeninDocs au Bénin pour montrer les cinémas du continent à travers le cinéma documentaire particulièrement. Il y a besoin de circuits alternatifs et d’une présence dans les grands rendez-vous. Car dans les deux cas, ce ne sont pas du tout les mêmes endroits ni les mêmes enjeux. Je pense qu’au Benin comme c’est le cas aussi en France, pour parler de territoires que je connais bien, les circuits alternatifs permettent vraiment de toucher des publics qui n’ont pas accès à ce type de création. Dans ces projets, ce sont également Les rencontres qui sont essentielles. C’est en cela qu’être à Cannes est une très belle opportunité.

Cinewax – Quelle est ta révélation de cette année, ton film coup de cœur ?

Il y en a eu plusieurs, à la Semaine de la Critique on a vraiment eu beaucoup de chances car on a reçu de très bons films. Je suis très heureuse que les films d’Afrique du Nord soient largement représentés avec 2 films sur 11 films au total dont 7 en compétition. J’ai eu un vrai coup de cœur pour le poétique Ceniza Negra de Sofía Quirós Ubeda qui nous vient du Costa Rica. J’ai eu également un vrai coup de cœur pour le film français d’animation J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin. Le film Dwelling in the Funchun Mountains de Gu Xiaogang est une vraie révélation, la mise en scène et le filmage sont très forts. La grande qualité de notre sélection est de montrer des films aux différentes tonalités, au fond la diversité des propositions cinématographiques contemporaines mondiales.

 

* Sur la photographie, Farah Clémentine Dramani-Issifou est en robe rose.

Propos recueillis par Sidney Cadot-Sambosi

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