“La Miséricorde de la jungle” : une plongée dans les profondeurs de la guerre
Grand vainqueur de la 50ème édition du FESPACO, le film du réalisateur rwandais Joël Karekezi nous transporte dans la nature étrange et sublimée du Kivu. Cette région à l’est de la République Démocratique du Congo est le théâtre d’affrontements entre différentes milices et forces armées depuis plus de vingt ans.
« Le message du film est simple : notre Afrique est belle. Nous devons continuer à nous développer et vivre en paix » a déclaré Joël Karekezi, lorsqu’il a reçu le prestigieux Etalon d’Or de Yennenga, le grand prix du Fespaco, en mars dernier.
La Miséricorde de la Jungle nous plonge au coeur de la deuxième guerre du Congo, en 1998. L’armée rwandaise traque alors dans l'est de la RDC des génocidaires ayant participé au massacre des Tutsis quatre ans plus tôt, en 1994. Le sergent Xavier, héros de guerre rwandais et Faustin, un jeune soldat, perdent leur troupe et doivent affronter seuls la vaste jungle congolaise.
La jungle, une entité terrifiante.
Ce n’est pas pour rien que le titre du film ne mentionne ni les noms des personnages principaux ni la guerre dans laquelle ces derniers sont impliqués, car c’est bien la jungle qui est maîtresse du récit. Elle déterminera la survie ou la mort des héros. Toujours au premier plan, elle est une entité vivante, globalisante et somptueusement redoutable. Dans les nombreux plans larges du film, Xavier et Faustin disparaissent au milieu des feuillages, leurs corps engloutis dans la jungle du Kivu.
Cette immensité verdoyante aux multiples visages est habitée par de nombreux êtres que croisent les protagonistes. Dans une scène des plus intrigantes, un gorille au dos argenté apparaît ainsi aux côtés des deux soldats. L’animal immense dégage une aura fantastique tant sa vision est rare. Une image de la beauté terrifiante de la jungle. Ces instants visuellement très beaux ainsi que les nombreuses vue contemplatives de la jungle sont le résultat d'un travail de l’image précis.
Une immersion au plus près de la réalité.
Grâce à une bande sonore fournie, le film plonge le spectateur dans la réalité de la jungle, l’entourant de milliers de sons évocateurs. Il faut dire que "La Miséricorde de la Jungle" n'est pas un film musical : les quelques morceaux sont maladroitement amenés et brisent l’ambiance naturaliste. Car ce qui est frappant dans l’oeuvre de Joël Karekezi, c’est cette volonté de créer un univers réaliste, qui évite le sensationnalisme et le spectaculaire. Egorger quelqu’un s’avère alors être un acte furtif sans effusion de sang, une mort advient par une simple disparition du personnage de l’écran aussi vite que sa vie s’est éteinte. Et là, on se sent au plus proche de la réalité de l’horreur.
La Miséricorde de la Jungle est finalement un film d’ambiance. La construction du film peut être déroutante pour le spectateur et la tension a du mal à monter pour vraiment nous tenir en haleine. Néanmoins, Joël Karekezi parvient à reconstruire un univers et un moment historique très particulier. Tout comme la Deuxième Guerre du Congo, La Miséricorde de la Jungle est une histoire mystérieuse et tragique qui résonne fortement en ces temps de commémoration du génocide au Rwanda.
Sortie le 24 avril en France. En avant-première le 18 avril au Lincoln lors du lancement du Fespaco en France, un évènement de Cinewax et de ses partenaires. Toutes les infos, inscriptions, billeteries ici.
Sarah Moustakim - Rédactrice Cinewax