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Origin : le chef-d'œuvre presque impossible d'Ava DuVernay

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Écrit et réalisé par la nominée aux Oscars Ava DuVernay, "Origin" explore la tragédie et le triomphe de la journaliste lauréate du prix Pulitzer, Isabel Wilkerson. Incarnée par la nominée aux Oscars Aunjanue Ellis-Taylor ("King Richard"), Wilkerson plonge dans les systèmes de caste et les injustices sociales sur trois continents tout en faisant face à des pertes personnelles déchirantes, incluant celles de sa mère, de son mari interprété par Jon Bernthal et de sa meilleure amie interprétée par Niecy Nash. Cette quête personnelle et professionnelle est poignamment recréée à l'écran, mettant en lumière l'importance et la profondeur de son œuvre.

 

Une plongée dans les systèmes de caste

Isabel Wilkerson, dans son best-seller du New York Times "Caste : The Origins of Our Discontents", sur lequel "Origin" est basé, explore les liens entre des phénomènes tels que l'esclavage aux États-Unis, les Dalits (les intouchables) en Inde, et les persécutions des Juifs par les nazis. Pour elle, ces situations trouvent une explication commune dans le concept de caste. Pour Wilkerson la caste c’est "une construction artificielle, un classement fixe et enraciné de la valeur humaine qui établit la suprématie présumée d'un groupe par rapport à l'infériorité présumée d'autres groupes sur la base de l'ascendance et souvent de traits immuables." Ce livre a gagné une nouvelle pertinence après les événements post-George Floyd, marqués par des manifestations à travers les États-Unis sous la bannière du mouvement Black Lives Matter.

Elle souligne que "La caste se concentre sur l'infrastructure de nos divisions et de nos classements, tandis que la race est le critère utilisé pour déterminer la place de chacun." En d'autres termes, un groupe se positionne comme étant supérieur à un autre et décide de le traiter de manière inhumaine et humiliante en utilisant la race comme critère.

La réalisation d'un chef-d'œuvre contre vents et marées

Ava DuVernay a dû faire face à d'énormes obstacles pour financer ce film traitant d'injustice sociale, de racisme et de caste. Avec son coproducteur, Paul Garnes, et en l'absence de soutien des grands studios, ils empruntent une voie inhabituelle. Grâce à leur société de production Array, ils se tournent vers des fondations humanitaires telles que la Melinda Gates Foundation et la Ford Foundation pour lever des fonds.

Avec 38 millions de dollars, DuVernay et son équipe relèvent le défi de tourner ce film en 37 jours, sur trois continents, avec une logistique complexe et des scènes avec des milliers de figurants, notamment la scène emblématique de l'Autodafé, ou la mise à feu de milliers de documents au centre de Berlin en 1933 par le gouvernement totalitaire du IIIe Reich. Cette reconstitution, réalisée au même endroit où cet acte a eu lieu, a été rendue possible grâce à la collaboration des autorités allemandes.

Des scènes poignantes et symboliques

Certaines scènes sont particulièrement poignantes, comme celle racontant l’épisode traumatique du jeune  Al Bright, un  joueur de baseball noir agé de 8 ans. Nous sommes en 1951, après avoir remporté un match de Little League le coach de l’équipe décide d’emmener les joueurs à la piscine municipale pour célébrer leur victoire. Seul  Al Bright est interdit de rejoindre ses coéquipiers dans l’eau. De l'autre côté d'une clôture, il observe ses amis blancs nager. Le maître nageur finit par le laisser entrer, mais à une seule condition : il ne doit pas toucher l'eau afin de ne pas "contaminer" l'eau avec sa couleur de peau noire et il n’a le droit qu’à 2 min dans la piscine. Al Bright est placé sur une bouée et tiré autour de la piscine par le maître-nageur, sous les regards silencieux de ses camarades et des parents rassemblées autour. Après cette traversée humiliante, il retourne s'asseoir sur une couverture de pique-nique, en larmes.

Aunjanue Ellis interprétant Isabel Wilkerson, s'allonge à côté de lui et, avec des larmes aux yeux, lui murmure des mots de réconfort : « Tu vas bien t'en sortir. Tout va bien. »

Cette scène bouleversante, où la cruauté de la ségrégation et la résilience des victimes se révèlent, serre le cœur des téléspectateurs, fait monter les larmes et souligne la nécessité de poursuivre le combat pour ne pas revenir en arrière après le long chemin parcouru par notre société.

Interpeller et éduquer le spectateur

Interrogée sur la pertinence de ce film par rapport à la situation actuelle aux États-Unis, la réalisatrice explique que son rôle est de refléter la réalité et d'encourager les gens à se poser des questions et à trouver leurs propres réponses, plutôt que de fournir des solutions toutes faites.

Malgré des critiques élogieuses pour la réalisation et l’interprétation de Aunjanue Ellis, le film a été snobé par les grandes cérémonies de récompenses, bien qu'il ait reçu neuf minutes de standing ovation au Festival de la Mostra de Venise 2023. Seules les NAACP ont reconnu la réalisatrice et l'actrice avec des nominations. En dépit des difficultés de promotion, avec même l'actrice principale distribuant des flyers dans la rue, le film a reçu le soutien de nombreuses célébrités telles qu'Angelina Jolie, Samuel L. Jackson, Ben Affleck, Dave Chappelle, et Regina King, qui ont organisé des projections, participé à des discussions ou offert des tickets. Oprah, Colman Domingo, Lin-Manuel Miranda, entre autres célébrités, ont salué le film et le travail de Ava et Aunjanue sur les réseaux sociaux.

Certains spectateurs pensent que le film devrait être inclus dans les programmes scolaires pour que tous les enfants puissent le voir. Grâce à l'initiative "Seat16", chaque achat permettait d'offrir des billets gratuits aux adolescents de moins de 16 ans pour voir le film, ainsi qu'un abonnement à la plateforme MasterClass pour accéder à des cours variés dispensés par des experts.

Ce film est une exploration profonde des sentiments humains et une réflexion sur les injustices sociales, un véritable appel à ne jamais oublier les leçons du passé. Vous pouvez regarder cette œuvre sur Apple TV ou Amazon Prime.

 

 

 



Moustapha Kalil Diallo - Rédacteur pour Cinewax

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